Les fontaines Wallace font partie du paysage parisien depuis près de 150 ans. En fonte, élégantes et reconnaissables entre toutes, elles ne sont pas seulement décoratives : elles racontent une histoire de solidarité, de design et de patrimoine urbain.
Une idée née d’une crise de l’eau
Leur origine remonte à une période difficile de l’histoire de Paris. Après la guerre franco-prussienne et la Commune de 1870-1871, la capitale souffrait d’une grave pénurie d’eau potable. L’eau, rare et coûteuse, était devenue inaccessible pour une grande partie de la population, qui devait se contenter d’eau insalubre ou de boissons alcoolisées. Face à cette situation, le philanthrope britannique Sir Richard Wallace, installé à Paris, décida d’agir. Son idée était simple et profondément humaine : offrir à tous un accès gratuit à l’eau potable dans les rues de la capitale.
Sir Richard Wallace, un philanthrope visionnaire
Animé par un sens aigu de la solidarité, il finança lui-même la création de fontaines publiques. Il souhaitait créer un mobilier urbain à la fois utile et esthétique, symbole de générosité et de modernité. Grâce à lui, des dizaines de points d’eau apparurent dans tout Paris dès les années 1870, permettant à chacun de se désaltérer librement.
Le design emblématique de Charles-Auguste Lebourg
Pour concevoir ces fontaines, Wallace fit appel au sculpteur Charles-Auguste Lebourg. Celui-ci imagina un modèle en fonte à la fois solide et raffiné, pesant environ 600 kilos. Chaque fontaine repose sur quatre cariatides représentant la bonté, la simplicité, la sobriété et la charité — des valeurs chères à Wallace. Ces figures soutiennent un dôme orné d’une petite lampe, formant une silhouette harmonieuse et élégante.
Un style typiquement parisien
Peintes dans un vert profond, les fontaines s’intègrent parfaitement au mobilier urbain parisien du XIXᵉ siècle : kiosques à journaux, bancs, colonnes Morris. Cette couleur emblématique leur donne une identité forte et contribue à leur charme intemporel. À l’origine, chaque fontaine possédait une petite tasse en métal attachée par une chaîne, permettant de boire directement à la source. Ces tasses ont été retirées en 1952 pour des raisons d’hygiène, mais elles demeurent un détail emblématique de leur conception.
Des restaurations qui perpétuent leur héritage
Au fil du temps, les fontaines Wallace ont traversé les époques sans perdre leur éclat. Leur structure en fonte s’est révélée remarquablement durable, et la Ville de Paris veille toujours à leur entretien. Certaines ont même été repeintes dans d’autres teintes — rose, gris ou bleu — pour s’accorder à la modernité des quartiers. Aujourd’hui encore, plus d’une centaine de fontaines Wallace sont fonctionnelles et continuent d’offrir de l’eau fraîche en été. Elles sont devenues à la fois des objets d’art, des repères historiques et des symboles discrets de solidarité urbaine.
Où admirer les fontaines Wallace à Paris
En te promenant dans Paris, il est presque impossible de ne pas croiser l’une d’entre elles. On les retrouve place des Abbesses, dans le square du Temple, au jardin du Luxembourg ou encore près du boulevard Saint-Germain. Elles se cachent souvent dans des coins paisibles, à l’ombre d’un arbre ou au détour d’une ruelle, ajoutant une touche d’élégance à la ville.
Un symbole de générosité intemporelle
Les fontaines Wallace sont bien plus que de simples éléments de décor. Elles incarnent un geste de générosité devenu patrimoine. Nées d’une période de crise, elles rappellent que les aménagements publics peuvent être à la fois utiles, esthétiques et durables. Installées au lendemain de bouleversements sociaux majeurs, elles continuent aujourd’hui d’offrir de l’eau à tous, gratuitement. La prochaine fois que tu croiseras une fontaine Wallace, prends un instant pour l’observer. Derrière ses cariatides et son eau claire se cache l’héritage d’un homme qui croyait que la beauté et la solidarité pouvaient se rejoindre. Ces fontaines ne sont pas seulement un fragment du passé : elles sont le reflet vivant d’une générosité intemporelle, discrète mais essentielle, qui coule encore au cœur de Paris.

